Page:Sansot-Orland - Jules Lemaître, 1903.djvu/36

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la Philosophie du boudoir. — Quelle joie ! car le marquis de Sade fut un imbécile ! — mais même ébloui des plus augustes visions, même ayant sous son crâne le mens divinior, jamais (à moins que le Génie dès qu’il est ne supprime totalement le dilettantisme), il ne se serait hasardé jusqu’à la Divine Comédie, ni jusqu’à la Légende des siècles. Il est de ceux qui ont un trop grand souci d’être bien ou mal remarqués ; et l’amour inévitable, — quand on vit dans la perpétuelle excitation littéraire, — de la gloriole, l’a empêché de provoquer la gloire, ignoble ou sublime ! Il y a dans son œuvre, Serenus, une réalisation d’âme, ou comme on dit, un état d’âme. Eh ! bien, je le pense vraiment, Serenus, c’est M. Jules Lemaitre lui-même ; et, brave puisqu’il est un poète, mais subtil puisqu’il est un sceptique, il est prêt à mourir pour un Dieu qu’il feindra de ne pas croire !

(L’Art au théâtre, 2e année, 1896, in-18. Calmann Levy)


De M. Ernest-Charles :


Jules Lemaître put d’abord paraître sceptique (ah, que ce terme est vieillot maintenant !) à cause de la diversité de ses œuvres et parce que sa doctrine est éparse parmi elles. Il fut critique littéraire, et dramatique, et politique, et social, et couleur et dramaturge, et romancier, et poète. Il ne s’appliqua point à dogmatiser avec préméditation, mais tantôt ici, tantôt là, au détour d’une phrase, à la fin d’un chapitre, ou bien au milieu, entre deux traits spirituels, à travers des sourires, et pour tout dire, il dogmatisa toujours sans application. Puis ses dons étaient divers comme les genres où il les disséminait. Aisance, verve, grâce, nonchalance, vigueur, gravité, raillerie, indulgence : tout se mêle en ses