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LA PARFAITE CONNOISSANCE

on ſe ſert pour travailler l’Yvoire, ils creuſent les Dents Mitoyennes un peu, & celles des coins davantage ; après qu’ils ont rempli les trous qu’ils ont faits, avec un peu de Poix Reſine, ou Poix noire, ou bien de Souphre, ou de quelques grains de Froment, ils appuyent avec un petit fer chaud au milieu du trou ; & le fer eſt fait à proportion du trou ; ils rëitérent à remplir toûjours les mêmes trous appuyant le même fer deſſus, adroitement pour que le trou en dedans reſte toûjours noir, & cela pour tâcher d’imiter le naturel. Mail ils ont beau faire, la chaleur du fer cauſe autour de ces trous un petit cercle jaunâtre comme ſi on avoit appuyé un fer chaud ſur de l'Yvoire, qui feroit la même choſe. Cependant pour éviter que l’on ne découvre leur tromperir, ils uſent d’une autre malice ; c’eſt que tous les jours, de tems en tems, ils mettent le Cheval à un Maſticadoux, après lui avois mis dans la bouche & bien frotté les lévres & les gencives avec du ſel & de la mie de Pain bien ſéche & pilée avec le ſel, pour le faire écumer ; ne pouvant pas faire ces deux cannelures qui ſe trouvent le long du Crochet en dedans de la bouche, depuis la pointe du Crochet juſques à la gencive, qui eſt ce que la Nature a donné aux Chevaux qui marquent encore ; ils peuvent bien avec les limes les rendre plus pointus & plus plats, mais ils en ôtent l’Email que la Nature a donné & qui n’eſt plus luiſant ; ansi on peut toujours par le même moyen des Chrochets diſcerner ceux qui ont paſſé les 7. à 8. ans juſqu’à douze & treize.

Après avoir donné la connoiſſance de l’âge, il eſt bon de donner celle des deffauts, comme auſſi des maladies qui peuvent leur arriver. Commençons par ceux qui leur arrivent dans la bouche & qui peuvent faire périr les Chevaux ſans aucune maladie ; ainſi qu’on le verra par ce qui ſuit ; principalement ſi on étoit obligé de continuer un voyage, & le Cheval ne pouvant ni boire ni manger qu’avec peine ; ſi bien que d’un de ces deffauts, faute d’en avoir connoiſſance, il en peut arriver de fâcheuſes ſuites, comme il eſt ci-après expliqué, ſavoir :

LES BARBES.


IL faut regarder dans la bouche ſi le Cheval ne boit point au deſſous de langue : s’il s’y trouve deux excroiſſances de chair attachées au palais d’en bas de la bouche, qui reſſemblent à deux petites nageoires. C’eſt une bagatelle qui ne paroît preſque rien, qui empêche cependant que le Cheval ne boive à ſon ordinaire ; & par conſequent ne beuvant pas bien, il en mange moins & dépérit de jour en jour, ſans que pluſieurs s’aperçoivent de ce dépériſſement ; le remede en eſt cependant très-facile, lorſqu’on a trouvé le mal : car il s’agit de faire ouvrir la bouche du Cheval, avec un eſpéce de fer que tous les Marechaux ont, ou doivent avoir, nommé Pas d’Ane, & enſuite avec les Cizeaux, couper ces deux petites nageoires ; qui eſt tout le remede. Pluſieurs leur lavent la bouche après leur avoir donné un coup de Corne, ce qu’il n’y a pas un petit Marêchal qui ne ſache, & enſuite avec l’Ail pilé, du Sel, & du Vinaigre, leur en bien froter la bouche ; cela ne peut que leur faire du bien & jamais de mal ; mais le principal eſt de leur couper les Barbes, avec des Cizeaux, comme il eſt maiqué ci-deſſus.

La