Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/35

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sciences, c’est parce que nous l’avons rattachée à la sémiologie.

Pourquoi celle-ci n’est-elle pas encore reconnue comme science autonome, ayant comme toute autre son objet propre ? C’est qu’on tourne dans un cercle : d’une part, rien n’est plus propre que la langue à faire comprendre la nature du problème sémiologique ; mais, pour le poser convenablement, il faudrait étudier la langue en elle-même ; or, jusqu’ici, on l’a presque toujours abordée en fonction d’autre chose, à d’autres points de vue.

Il y a d’abord la conception superficielle du grand public : il ne voit dans la langue qu’une nomenclature (voir p. 97), ce qui supprime toute recherche sur sa nature véritable.

Puis il y a le point de vue du psychologue, qui étudie le mécanisme du signe chez l’individu ; c’est la méthode la plus facile, mais elle ne conduit pas au delà de l’exécution individuelle et n’atteint pas le signe, qui est social par nature.

Ou bien encore, quand on s’aperçoit que le signe doit être étudié socialement, on ne retient que les traits de la langue qui la rattachent aux autres institutions, celles qui dépendent plus ou moins de notre volonté ; et de la sorte on passe à côté du but, en négligeant les caractères qui n’appartiennent qu’aux systèmes sémiologiques en général et à la langue en particulier. Car le signe échappe toujours en une certaine mesure à la volonté individuelle ou sociale, c’est là son caractère essentiel ; mais c’est celui qui apparaît le moins à première vue.

Ainsi ce caractère n’apparaît bien que dans la langue, mais il se manifeste dans les choses qu’on étudie le moins, et par contre-coup on ne voit pas bien la nécessité ou l’utilité particulière d’une science sémiologique. Pour nous, au contraire, le problème linguistique est avant tout sémiologique, et tous nos développements empruntent leur signifi-