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Chapitre VI

Représentation de la langue par l’écriture

§ 1.

Nécessité d’étudier ce sujet.

L’objet concret de notre étude est donc le produit social déposé dans le cerveau de chacun, c’est-à-dire la langue. Mais ce produit diffère suivant les groupes linguistiques : ce qui nous est donné, ce sont les langues. Le linguiste est obligé d’en connaître le plus grand nombre possible, pour tirer de leur observation et de leur comparaison ce qu’il y a d’universel en elles.

Or nous ne les connaissons généralement que par l’écriture. Pour notre langue maternelle elle-même, le document intervient à tout instant. Quand il s’agit d’un idiome parlé à quelque distance, il est encore plus nécessaire de recourir au témoignage écrit ; à plus forte raison pour ceux qui n’existent plus. Pour disposer dans tous les cas de documents directs, il faudrait qu’on eût fait de tout temps ce qui se fait actuellement à Vienne et à Paris : une collection d’échantillons phonographiques de toutes les langues. Encore faudrait-il recourir à l’écriture pour faire connaître aux autres les textes consignés de cette manière.

Ainsi, bien que l’écriture soit en elle-même étrangère au système interne, il est impossible de faire abstraction d’un procédé par lequel la langue est sans cesse figurée ; il est nécessaire d’en connaître l’utilité, les défauts et les dangers.