Page:Savinien Cyrano de Bergerac - La mort d'Agrippine - 1654.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
tragedie.

Tu luy baſtis un Temple, & conſacrant ce lieu,
Tu n’y fais immoler que les Parents du Dieu ;
Ce n’eſt pas dans le tronc d’une Idole muëtte,
Que repoſe ſon ame & ſa forme ſecrette,
C’eſt dans moy, c’eſt dans ceux qui ſortent de mon flanc,
Et qui s’y sont formez de ſon celeſte ſang ;
Ne crois pas mes douleurs de criminelles fautes,
Que pouſſe le regret du Sceptre que tu m’oſtes :
Mais eſcoute, Tyran. La cauſe de mon deüil,
C’eſt d’entendre gemir l’Echo d’un vain cercueil,
Une Ombre deſolée, une Image parlante,
Qui me tire la robbe avec ſa main tremblante ;
Un Phantôme tracé dans l’horreur de la nuict,
Que i’entends ſangloter au chevet de mon lict,
Le grand Germanicus, dont les Manes plaintives,
M’appellent pour le ſuivre, aux infernales rives,
Et de qui quand ie dors, d’un pas remply d’effroy,
Le Spectre ſouſpirant vient paſſer devant moy :
Ie te ſuis, mon Eſpoux, mais i’attens pour deſcendre,
Que i’aye réchauffé de ſang ta froide cendre,
Aux pieds de ta ſtatuë immolé ton bourreau,
Et de ſon corps ſanglant remply ton vain Tombeau,
Que ſi le Ciel iniuſte eſt ſourd à ma requeſte…

Tibere

Ton bras, à ſon defaut, attaquera ma teſte.