Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/52

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raconte comment les « pestes »[1] s’y prenaient pour la faire enrager. L’histoire des trois Racans est devenue classique. Il est tout à fait impossible de parler de Mademoiselle de Gournay, sans donner la parole au savoureux auteur des « Historiettes » .

Voici en quels termes il rapporte l’entrevue de Marie avec le grand cardinal et comment celui-ci lui donna une pension :

« Boisrobert la mena au cardinal de Richelieu, qui lui fit un compliment tout de vieux mots qu’il avait pris dans son Ombre. Elle vit bien que le cardinal vouloit rire. « Vous riez de la pauvre vieille, lui dit-elle. Mais riez, grand génie, riez ; il faut que tout le monde contribue à votre divertissement. » Le cardinal, surpris de la présence d’esprit de cette vieille fille, lui en demanda pardon, et dit à Boisrobert : « Il faut faire quelque chose pour Mademoiselle de Gournay. Je lui donne deux cents écus de pension. – Mais elle a des domestiques, dit Boisrobert. – Et quels ? reprit le cardinal. – Mademoiselle Jamin, répliqua Boisrobert, bâtarde d’Amadis Jamin, page de Ronsard. – Je lui donne cinquante livres par an, dit

  1. Parmi ceux qui s’amusaient particulièrement aux dépens de la vieille fille, Tallemant cite le comte de Moret, le chevalier de Bueil et Yvrande. Ces deux derniers sachant que Racan devait aller voir Mademoiselle de Gournay, qui ne le connaissait pas, pour la remercier de l’envoi de son Ombre, recueil de mélanges parus en 1626, imaginèrent d’y aller avant lui et de se faire passer pour lui. On devine la scène. Racan arriva le dernier et dut se sauver à toutes jambes et dégringoler tant bien que mal les trois étages de la demoiselle pour éviter un scandale, car la vieille savante criait : au voleur !