Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/67

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met qu’on se montre tel qu’on est, et confirme à jamais l’arrêt d’Horace :

Scribendi recte sapere est et principium et fons[1].

Mais ces gens-là font comme certains ouvriers en métaux, qui essaient cent compositions diverses, pour les substituer à l’unique métal qui ne se remplace pas, l’or. Un auteur devrait, tout au contraire, se garder avant tout de vouloir montrer plus d’esprit qu’il n’en a. Cela fait soupçonner au lecteur qu’il en possède très peu, vu qu’en tout et toujours on n’affecte d’avoir que ce qu’on n’a pas réellement. Et voilà pourquoi c’est un éloge de qualifier un écrivain de naïf ; cela signifie qu’il lui est loisible de se montrer tel qu’il est. En général, le naïf attire, tandis que ce qui n’est pas naturel repousse. Nous voyons aussi que chaque véritable penseur s’efforce d’exprimer ses idées d’une manière aussi pure, claire, sûre et brève que possible. C’est pourquoi la simplicité a toujours été l’attribut non seulement de la vérité, mais du génie même. Le style reçoit sa beauté de la pensée ; tandis que, chez ces prétendus penseurs, ce sont les pensées qui doivent être embellies par le style. Le style n’est, après tout, que la silhouette de la pensée. Écrire obscurément, ou mal, c’est penser d’une manière lourde et confuse.

De là, la première règle d’un bon style, qui suffit presque à elle seule : c’est qu’on ait quelque chose à dire. Avec cela on va loin. L’inobservation de cette règle est un trait de caractère fondamental des philo-

  1. « Le principe et la source des bons ouvrages, c’est la raison. »