Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/184

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ganismes, une manifestation totale du caractère intelligible, malgré tout, la juxtaposition nécessaire des parties et la succession des développements n’empêchent point l’unité de l’idée qui se manifeste, ni de l’acte de volonté qui se révèle ; cette unité trouve, au contraire, son expression dans la relation et dans l’enchaînement nécessaire des parties et dans leurs développements respectifs, conformément à la loi de causalité. Puisque c’est la volonté unique et indivisible, c’est-à-dire une volonté parfaitement d’accord avec elle-même, qui se manifeste dans l’ensemble de l’idée comme dans un seul acte, il s’ensuit que son phénomène, bien qu’il se partage en parties et en modalités différentes, n’en dénote pas moins son unité par l’accord constant de ces modalités et de ces parties : cela arrive grâce à une relation et à une dépendance nécessaires de toutes les parties entre elles ; grâce à cette relation, l’unité de l’idée se trouve rétablie jusque dans le phénomène. Nous voyons donc que les différentes parties et fonctions de l’organisme se servent réciproquement de moyens et de fins les unes aux autres, mais que cependant l’organisme lui-même est leur fin commune et dernière. Par suite, si, d’une part, l’idée, qui de soi est simple, se disperse en une multitude de parties et d’états organiques ; si, d’autre part, l’unité de l’idée se rétablit au moyen de la liaison nécessaire de toutes les parties et de toutes les fonctions, liaison qui résulte des rapports réciproques de cause à effet, c’est-à-dire de moyen à fin, existant entre elles, cela n’appartient point en propre à l’essence de la volonté qui se manifeste, considérée comme volonté ; cela n’appartient point à la chose en soi, mais seulement à son phénomène soumis à l’espace, au temps et à la causalité, c’est-à-dire à de simples expressions du principe de raison, à la forme du phénomène. Le morcellement et la reconstruction de l’idée essentiellement une appartiennent au monde considéré comme représentation ; non au monde considéré comme volonté. Cette double opération ressortit à la modalité dans laquelle la volonté, à ce degré de son objectité, devient objet, c’est-à-dire représentation. À condition de se pénétrer du sens de cette exposition peut-être un peu ardue, l’on acquerra une intelligence vraiment exacte de cette doctrine de Kant, savoir, que la finalité du monde organique comme aussi la régularité du monde inorganique sont introduites dans la nature par notre entendement, par suite n’appartiennent l’une comme l’autre qu’au phénomène, nullement à la chose en soi. L’admiration que nous constations naguère, admiration excitée en nous par la régularité infaillible et constante de la nature inorganique, est en réalité identique à celle que nous inspire la finalité de la nature organique ; car, dans l’un et dans l’autre cas, ce qui nous étonne, c’est de voir l’unité primordiale de l’idée qui,