Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/185

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pour les besoins de la représentation, avait revêtu la forme de la pluralité et de la diversité[1].

Suivant la division que nous avons établie plus haut, passons à ce qui concerne la seconde espèce de finalité, ou finalité externe, qui se manifeste, non dans l’économie interne des organismes, mais dans le secours, dans l’appui extérieur qu’ils empruntent à la nature, inorganique ou qu’ils se prêtent entre eux ; cette finalité trouve également son application générale dans l’exposition que nous avons faite plus haut, car le monde tout entier, avec tous ses phénomènes, est l’objectivité de la volonté une et indivisible ; il est l’idée qui se comporte en regard des autres idées comme l’harmonie par rapport aux voix isolées : par suite, cette unité de la volonté doit se manifester également dans l’accord de tous ses phénomènes entre eux. Mais, nous pouvons rendre cet aperçu bien plus clair encore, si nous observons de plus près les manifestations de cette finalité extérieure, de cet accord des différentes parties de la nature ; cette exposition servira à rendre la précédente encore plus lumineuse. La meilleure méthode pour faire cette étude, c’est de considérer l’analogie suivante.

Le caractère de chaque homme, dans la mesure où il est individuel et ne se ramène pas tout entier à celui de l’espèce, peut être envisagé comme une idée particulière, correspondant à un acte particulier d’objectivation de la volonté. Cet acte lui-même serait alors son caractère intelligible, et le phénomène de celui-ci serait le caractère empirique. Le caractère empirique est complètement déterminé par le caractère intelligible, lequel est volonté, volonté sans raison, c’est-à-dire volonté soustraite comme chose en soi au principe de raison, qui est la forme du phénomène. Le caractère empirique doit, dans le cours de l’existence, présenter le reflet du caractère intelligible, et il ne peut se comporter autrement que ne l’exige la nature de celui-ci. Toutefois cette détermination ne s’étend qu’à ce qu’il y a d’essentiel, non à ce qu’il y a d’accidentel dans l’existence ainsi réglée. Cette part accidentelle dépend de la détermination extérieure des événements et des actions ; ceux-ci sont la matière que revêt le caractère empirique pour se manifester ; ils sont déterminés par des circonstances extérieures que fournissent les motifs, sur lesquels le caractère réagit conformément à sa nature ; or, comme ils peuvent être très divers, il s’ensuit que c’est d’après leur influence que se règle la forme extérieure de la manifestation du caractère empirique, c’est-à-dire la tournure précise que prend une existence dans la suite des faits ou dans l’histoire.

  1. Comparez la Volonté dans la nature, à la fin du paragraphe « Anatomie comparée »