Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/203

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§ 33.


Nous n’avons donc, en tant qu’individus, aucune autre connaissance que celle qui est soumise au principe de raison ; d’ailleurs, cette forme exclut la connaissance des idées ; il s’ensuit que, si nous sommes capables de nous élever de la connaissance des choses particulières jusqu’à celle des idées, cela ne se peut faire que par une modification intervenue dans le sujet, modification analogue et correspondant à celle qui a transformé la nature de l’objet et en vertu de laquelle le sujet, dans la mesure où il connaît une idée, n’est plus un individu.

Nous savons, d’après le précédent livre, que la connaissance, en général, fait partie elle-même de l’objectivation de la volonté considérée à ses degrés supérieurs ; que d’ailleurs la sensibilité, les nerfs, le cerveau sont, au même titre que les autres parties de l’être organique, l’expression de la volonté considérée à ce degré d’objectivité ; nous savons par suite que la représentation qui en résulte est également destinée au service de la volonté comme moyen (μηχανη) pour arriver à un but actuellement plus compliqué (πολυτελεστερα) et pour conserver un être ayant des besoins multiples. Originairement donc et d’après son essence, la connaissance est entièrement au service de la volonté ; et de même que l’objet immédiat, qui devient par l’application de la loi de causalité le point de départ de la connaissance, se réduit à la volonté objectivée, de même aussi toute connaissance soumise au principe de raison demeure dans un rapport proche ou lointain avec la volonté. Car l’individu considère son corps comme un objet au milieu d’autres objets, uni à chacun de ces objets par des relations et des rapports compliqués d’après le principe de raison ; la considération de ces objets doit donc toujours, par un chemin plus ou moins détourné, aboutir au corps, et par suite à la volonté. Du moment que c’est le principe de raison qui met ainsi les objets en relation avec le corps et par suite avec la volonté, la connaissance, destinée à servir la volonté, va tendre à connaître uniquement dans les objets les rapports établis par le principe de raison, c’est-à-dire à rechercher leurs relations multiples considérées sous les formes du temps, de l’espace et de la causalité ; car, pour l’individu, ce n’est qu’à ce point de vue que l’objet est intéressant, c’est-à-dire possède un rapport avec la volonté. Aussi cette connaissance destinée à servir la volonté ne