Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/77

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der les jugements sur lesquels vont reposer le savoir et la science, — que nous considérons, après le langage et l’activité réflective, comme le troisième grand privilège qui nous vienne de cette même raison.

Il y a quelque chose de féminin, dans la nature de la raison : elle ne donne que lorsqu’elle a reçu. Par elle-même, elle ne contient que les formes vides de son activité. Ainsi, il n’y a de notions rationnelles parfaitement pures que les quatre principes suivants, auxquels nous avons accordé une vérité métalogique : le principe d’identité, le principe de contradiction, le principe du tiers exclu et le principe de raison suffisante. En effet, les autres éléments de la logique ne sont déjà plus des notions rationnelles parfaitement pures, car ils impliquent les rapports et les combinaisons des sphères de concepts ; mais les concepts n’existent qu’après des représentations intuitives : toute leur réalité vient de leur rapport avec ces représentations, qu’ils supposent par conséquent. Cependant, comme ce rapport que les concepts supportent intéresse moins le contenu déterminé des concepts que leur existence en général, la logique, dans son ensemble, peut être considérée comme la science de la raison pure. Dans toutes les autres sciences, la raison tire son contenu des représentations intuitives : en mathématiques, elle le tire de rapports intuitivement connus, avant toute expérience de l’espace et du temps ; dans les sciences naturelles pures, — c’est-à-dire dans ce que nous connaissons avant toute expérience sur le cours de la nature, — le contenu de la science provient de la raison pure, c’est-à-dire de la connaissance a priori de la loi de causalité et sa liaison avec les pures intuitions de l’espace et du temps. Dans les autres sciences tout ce qui n’est pas emprunté aux précédentes appartient à l’expérience. Savoir signifie en général : avoir dans son esprit, pour les reproduire à volonté, des jugements tels que leur principe de raison suffisante de connaissance, c’est-à-dire le caractère auquel on les reconnaît comme vrais, soit en dehors d’eux-mêmes. Ainsi, la connaissance abstraite seule constitue le savoir ; la condition du savoir est donc la raison, et, tout bien considéré, nous ne pouvons pas dire des animaux qu’ils savent quelque chose, bien qu’ils aient la connaissance intuitive, et dans une mesure correspondante la mémoire, en même temps que l’imagination, comme le prouvent leurs rêves. Nous leur accordons la conscience, dont le concept, — bien que le mot de conscience vienne de « science », — se confond par conséquent avec celui de la représentation en général, de quelque nature qu’elle soit. De même, nous attribuons la vie aux plantes, mais non pas la conscience. Savoir, c’est donc connaître abstraitement, c’est fixer dans des concepts rationnels des notions que, d’une manière générale, on a acquises par une autre voie.