Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/26

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Il croyait, par cet effort, accomplir un devoir naturel. C’est ainsi que la Phèdre de Racine lui apparaissait volontiers sous les traits d’une belle-mère de notre temps. Il considérait Œdipe roi comme une manière de vieillesse de M. Lecoq. Ainsi Notre Maître essayait de se familiariser avec toutes choses. Il avait si peu d’ambition qu’il ne se souciait ni d’étonner les autres, ni de s’étonner lui-même. Aussi écrivait-il le plus bonnement du monde, et n’admira-t-il jamais sincèrement que le coq à l’âne.

Il avait eu des lettres, mais il ne voulait pas s’en souvenir, crainte de gêner l’opinion du public par un semblant de supériorité. Il parlait la langue de tout le monde, et pensait avec les idées de tout le monde… Et ce miracle s’accomplissait sans aucun effort apparent, tant il y mettait de bonhomie et de naïveté. Longtemps il souffrit de sa barbe inculte qui lui donnait un air de vieux solitaire, de ses lunettes qui pouvaient le faire prendre pour un savant professeur. C’était là sa seule faiblesse. Pour tout le reste il ne se distinguait en rien du plus commun des hommes.

Sa bonté fut grande. Jamais il ne fut l’ennemi de personne sans raison. Quand on l’attaquait, il