Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/72

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actrices, et toutes les nouvelles des b—ls, et principalement ce qui mijotait dans les théâtres, et ce qu’on cuisinait dans les bureaux du ministère, et qui palpait ci et qui palpait là, et quel patron trinquait du plus gros pot-de-vin, et quelle gourde se faisait enfiler, et quelle était la personne la plus amoureuse de la société, y compris le blanc-bec nouveau, qui, d’orgueil, se faisait cramoisi comme une belle pivoine.

C’était l’époque barbare, sans doute, où les chaises n’avaient que trois pieds, où les plumes crachaient des étoiles d’encre sur les feuilles sales, où les verres égueulés servaient à tout, et à autre chose, tandis que les vieux chiens fidèles, qui veillaient à la grille de la caisse, retroussaient leurs babines aux tapeurs en montrant des dents jaunes, et glissaient la pièce de cent sous dans la main du bon rigolo, pour la demi-tasse et le domino-jaquet-manille au café de Madrid ; le siècle étrange où ce Baudelaire, qui plus tard prit la haine des journalistes, épouvanta l’imprimeuse du Journal de Châteauroux en lui demandant « où était l’eau-de-vie de la rédaction » ; où on pariait au sémillant Paul d’Ivoi d’imprimer le mot m—e au milieu de son