Page:Scott - Le Pirate, trad. de Defauconpret, Librairie Garnier Frères, 1933.djvu/14

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était encore habitable. Cet édifice d’une architecture grossière, construit en moellons, n’offrait rien qui pût satisfaire l’œil ou exalter l’imagination. Les croisées, peu nombreuses et basses, étaient distribuées sans le moindre égard pour les lois de la symétrie. De moindres bâtiments, contenant les offices ou appartements destinés à la suite du comte étaient contigus au corps de logis principal ; mais, tombés en ruines, on s’était servi des solives pour faire du feu ou pour d’autres usages ; les murs s’étaient écroulés en bien des endroits, et, pour compléter la dévastation, le sable forma peu à peu une couche de deux ou trois pieds d’épaisseur dans ce qui jadis servait d’appartements.

Dans ce lieu désolé, les habitants d’Iarlshof avaient réussi, par un travail soutenu, à conserver en bon état quelques verges de terre, et comme les murailles du château protégeaient ce terrain contre le souffle redoutable des vents de mer, on y voyait croître quelques végétaux. Quant aux arbres et même aux arbustes, on n’y songeait seulement pas, tant est terrible dans ces parages, le passage des ouragans.

À peu de distance du château, près du bord de la mer, à l’endroit où la crique forme une espèce de port imparfait, dans lequel on voyait trois ou quatre barques de pêcheurs, s’élevaient quelques misérables chaumières, demeure des habitants du hameau d’Iarlshof, qui les tenaient à loyer du seigneur à des conditions assez dures, comme on peut le penser. Ce seigneur résidait lui-même sur un domaine qu’il possédait dans un canton plus favorisé, et ne visitait que rarement ses possessions de Sumburgh. C’était un bon Shetlandais, simple, honnête, un peu emporté, et aimant un peu trop les plaisirs de la table, ce qu’il faut peut-être attribuer à ce qu’il avait trop de loisir ; au demeurant, plein de franchise, bon et généreux pour ses gens, remplissant envers les étrangers tous les devoirs de l’hospitalité. Il descendait d’une ancienne et noble famille de Norvège, circonstance qui le rendait plus cher aux classes ouvrières, en général de la même origine, tandis que les lairds ou propriétaires, en majorité de race écossaise, étaient, encore à cette époque, considérés comme des étrangers et des intrus, notamment par Magnus Troil, qui faisait remonter sa généalogie jusqu’au comte fondateur supposé d’Iarlshof.

Les habitants du hameau d’Iarlshof avaient éprouvé en diverses occasions la bienfaisance du propriétaire de leur territoire. Quand M. Mertoun. — tel est le nom de l’homme qui occupait alors la