Page:Scott - Le Pirate, trad. de Defauconpret, Librairie Garnier Frères, 1933.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vieille maison. — était arrivé dans les îles Shetland, quelques années avant l’époque où commence notre histoire, il avait reçu chez Magnus Troil l’hospitalité cordiale qui est le caractère distinctif de cette contrée. Personne ne lui demanda d’où il venait, dans quel dessein il venait ni combien de temps il avait dessein de rester dans ce coin éloigné. Quoique inconnu de tout le monde, il fut accablé d’invitations. Il trouvait un domicile dans chaque maison où il allait en visite, pouvait y rester aussi longtemps que bon lui semblait, et y vivait librement comme s’il eût fait partie de la famille. L’indifférence apparente de ces bons insulaires pour le rang, le caractère et les qualités de leur hôte, ne prenait pas sa source dans l’apathie, mais malgré une curiosité naturelle à l’homme, leur délicatesse aurait cru manquer aux lois de l’hospitalité en lui faisant des questions auxquelles il aurait pu lui être difficile ou désagréable de répondre, ils se contentaient de recueillir, avec empressement le peu de renseignements que pouvait leur fournir le cours de la conversation.

Mais on tirerait de l’eau d’un rocher plus aisément qu’on n’aurait obtenu la confiance de M. Basile Mertoun, même pour des objets indifférents ; et le beau monde de Thulé ne vit jamais sa politesse mise à une plus rude épreuve.

Tout ce qu’on sut alors de lui peut se résumer en peu de mots. M. Mertoun était arrivé à Lerwick, qui commençait seulement à prendre quelque importance, sur un bâtiment hollandais, accompagné seulement de son fils, beau garçon d’environ quatorze ans. Il pouvait lui-même avoir quarante et quelques années. Le maître du navire le présenta à quelques-uns de ses bons amis, avec lesquels il avait coutume de troquer du genièvre et du pain d’épice contre les petits bœufs des îles Shetland, des oies fumées et des bas de laine d’agneau ; et quoiqu’il ne pût rien dire de lui, sauf que Meinher Mertoun avait payé son passage comme un gentilhomme, et donné un dollar pour boire à l’équipage, cette recommandation suffit pour procurer au nouveau venu un cercle respectable de connaissances, qui s’étendit à mesure qu’on lui reconnut des talents et des connaissances peu ordinaires.

Cette découverte se fit insensiblement, étant donné la discrétion de Mertoun ; seulement, il se trouvait parfois entraîné dans des discussions qui révélaient en lui, presque en dépit de lui-même, un savant et un homme du monde. D’autres fois, comme en retour de l’hospitalité qu’il recevait, il semblait faire effort pour entrer