Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/27

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faut touteſfois avoüer, que Perinthe n’avoit pas beſoin d’une recommandation eſtrangere pour eſtre aimé : car ſa perſonne eſtoit ſi aimable, & ſon eſprit ſi charmant, qu’il n’eſtoit pas poſſible de luy refuſer ſon eſtime. Il avoit pourtant une choſe fort ſurprenante, pour un fort honneſte homme : c’eſt qu’il ne faiſoit amitié particuliere avec perſonne. Il eſtoit bien avec tout le monde : mais il n’ouvroit ſon cœur à qui que ce ſoit : & il diſoit quelqueſfois, quand on luy faiſoit la guerre de cette façon d’agir, que c’eſtoit par un ſentiment de gloire qu’il cachoit ſes plus ſecrettes penſées : & qu’il ſe déguiſoit à ſes Amis. Cependant il ne laiſſoit pas d’eſtre fort aimé : ceux qui le voyoient ſouvent, ne laiſſoient pas non plus de luy confier leurs affaires les plus importantes : tant parce qu’il eſtoit capable, tour je une qu’il eſtoit, de donner de bons conſeils, que parce qu’il avoit une probité exacte, & une fidelité incorruptible : Ainſi ſans deſcouvrir ſon cœur à qui que ce ſoit, il voyoit dans celuy de beaucoup de gens. Perinthe eſtoit bien fait, & de bonne mine ; d’une converſation agreable ; qui ſans avoir rien de trop enjoüé ny de trop ſerieux, plaiſoit également à toutes ſortes d’humeurs, & à toutes ſortes de perſonnes, de quelque condition qu’elles fuſſent. En effet, file Prince de Claſomene l’aimoit cherement, la Princeſſe Baſiline ne l’aimoit pas moins : Panthée avoit auſſi pour luy, toute l’eſtime qu’il en pouvoit deſirer : toutes mes Compagnes l’aimoient avec tendreſſe : toutes les Dames de la ville n’en faiſoient pas moins qu’elles : &