Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’ayant perduë de veuë, marcha encore quelques pas vers Sardis : puis tout d’un coup la curioſité qu’il avoit de sçavoir qui eſtoit l’admirable Perſonne qu’il venoit de rencontrer, augmentant encore, & ayant remarqué que nous avions quitté le grand chemin, & pris une route à droit, il en prit une par où il jugea qu’il pourroit peut-eſtre nous rencontrer de nouveau : & avoir du moins le plaiſir de voir encore une fois la Princeſſe. Et en effet ſon deſſein reüſſit, & meſme mieux qu’il n’avoit penſé : car vous sçaurez, Madame, que la Princeſſe eſtant arrivée en un lieu du Bois où il y a une Fontaine, elle s’y arreſta avec plaiſir : parce qu’elle y trouva quelque fraiſcheur plus grande qu’ailleurs : & voulut meſme s’y repoſer un moment.

De ſorte que s’eſtant fait deſcendre de cheval, & nous autres auſſi, elle s’aſſit ſur le gazon dont cette Fontaine eſtoit bordée : mais elle n’y fut pas plûtoſt, qu’elle s’aperçeut qu’elle avoit perdu un Portrait que la Princeſſe Palmis luy avoit donné d’elle, & qui eſtoit dans une Boiſte de Diamans, la plus riche qu’il eſtoit poſſible de voir. Ce n’eſtoit pourtant pas ce qu’elle en regrettoit le plus : mais il luy ſembloit que la Princeſſe Palmis pourroit luy reprocher qu’elle n’auroit pas eu aſſez de ſoin d’une choſe qu’elle luy avoit donnée comme une marque tres ſensible de ſon amitié. Si bien que s’affligeant extrémement de cette perte, elle commanda aux deux Eſcuyers qui la ſuivoient, d’attacher tous nos chevaux à des Arbres, & d’aller du moins aux derniers lieux où nous avions paſſé, pour voir ſi par bonheur ils n’y retrouveroient point cette Peinture. Ce n’eſt pas qu’apres tant de tours que nous avions fait dans le Bois, elle euſt beaucoup d’eſpoir de la recouvrer : neantmoins comme il luy ſouvenoit confuſément