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Le Grand Cyrus,

pourroit redonner la liberté à son illustre Fils. Seigneur (interrompit ce genereux Prince, lors que Cyrus luy tint ce discours) s’il l’avoit perduë en delivrant la Princesse Mandane, je ne me pleindrois pas de mon malheur : mais je vous advouë que j’ay besoin de consolation, devoir qu’il est inutile pour vostre service : & que bien loin de vous rendre une partie de ce qu’il vous doit, il est en estat de perir, si vous n’estes son Liberateur. Je ne pense pas, repliqua Cyrus, que nos Armes soient si peu redoutables au Roy de Lydie, qu’il ose se porter à faire une violence à un Prince qui est engagé dans nostre Parti : & à un Prince encore à qui il doit tant de victoires : n’estant pas croyable qu’il ignore que les Rois sont obligez d’estre reconnoissans comme les autres hommes : & que l’ingratitude est d’autant plus noire en ceux qui s’en trouvent capables, que leur rang est eslevé au dessus de celuy de leurs Sujets : ainsi ne craignez rien pour le Prince Artamas du costé de Cresus. De plus, le Roy de la Susiane & le Roy de Pont, seront sans doute ses Protecteurs : car estant genereux comme ils sont, ils voudront assurément obliger Cresus à n’estre pas plus rigoureux envers les Prisonniers qu’il a faits, que je le suis à la Reine Panthée, & à la Princesse Araminte. Cependant comme il ne faut jamais se confier trop à la generosité de ses ennemis, j’envoyeray demain un des miens vers Cresus, afin de luy aprendre quel interest je prens en la personne du Prince vostre Fils ; j’obligeray mesme les deux Princesses que je viens de nommer, d’écrire en sa faveur : & je vous feray connoistre enfin par mes soins, combien j’estime sa personne, & combien vos interests me sont chers. Le Roy de Phrigie remercia Cyrus avec beaucoup d’affection, de la bonté qu’il avoit pour