Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/36

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plus tranquile que le dehors : & tout le Peuple eſtoit ſi animé, que l’on ne peut rien imaginer de ſi terrible. Les Rois de Phrigie & d’Hircanie euſſent bien voulu que les affaires n’euſſent pas pris une face ſi eſtrange ; & ils eſtoient au deſespoir d’eſtre contraints de ſe ſervir d’un remede ſi dangereux : n’y ayant rien au monde de plus à éviter, que la rebellion des Peuples. Mais il faloit bien lors tolerer, ce qu’on ne pouvoit empeſcher : ils ne laiſſoient pas toutes fois de retenir cette populace autant qu’ils pouvoient : croyant touſjours qu’il ſuffisoit pour ſauver Cyrus, de donner quelque ſentiment de crainte à Ciaxare. Cependant en fort peu de temps les Portes de la Ville furent rompuës, & les Murailles abandonnées par ceux qui les deffendoient : qui ne sçachant où ſe retirer, furent tuez & par ceux de dehors, & par ceux de dedans auſſi. Cette grande Armée entrant donc avec violence dans Sinope par divers endroits, & ne s’arreſtant point à piller les Maiſons, le Chaſteau ſe trouva en un moment environné de tant de monde, que la ſeule veuë en faiſoit fremir. Metrobate n’euſt plus ſonge qu’à la fuite, s’il en euſt pû trouver les moyens : mais le Peuple gardoit auſſi bien du coſté de la mer que du coſté de la terre ; de ſorte que Ciaxare luy meſme ne penſoit plus qu’à mourir en ſe deffendant, apres avoir fait mourir Cyrus. C’eſtoit en vain que Thiamis & Ariobante vouloient parler : car ce Prince n’eſcoutoit plus rien que ſa fureur & ſon deſespoir. Cependant Metrobate le plus méchant d’entre les hommes, ne sçachant plus que faire, ny qu’imaginer, s’en alla dans la chambre de Cyrus, & contrefaiſant le pitoyable & le genereux, il luy dit que s’il vouloit luy donner ſa