Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/46

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pas agy de ſa vie ; eſt-ce de voſtre main, luy dit il, ſage Thiamis, que je dois reprendre mes fers ? Non, luy reſpondit il, car les Miniſtres des Dieux, ne s’abaiſſeroient pas juſques à executer les injuſtices des hommes. Mais genereux Prince, je viens vous annoncer la liberté que le Roy vous accorde : la fuite de Metrobate a diſſipé la preoccupation de ſon ame : & les Dieux à qui vous eſtes cher, vous ont tiré par voſtre propre vertu, d’un danger qui paroiſſoit preſque inevitable. Venez donc Triompher, venez, luy dit il, achever par voſtre preſence, de remettre dans l’ame du Roy, la tendreſſe qu’il a euë pour vous. Cyrus faiſant alors une profonde reverence à Thiamis, c’eſt ſans doute pluſtost, luy dit il, à vos prieres qu’à ma vertu, que je dois l’heureux changement du Roy : mais ſage Thiamis, me traitte t’il en accuſé juſtifié, ou en criminel à qui il fait grace ? Vous le sçaurez de ſa propre bouche, reprit Thiamis : à peine ce Mage eut il achevé de prononcer ces paroles, que Cyrus ſe tournant vers ſes illuſtres Amis, les pria de le laiſſer entrer ſeul : mais il ne fut de long temps en eſtat d’oüir leur reſponse : car cette heureuſe nouvelle ayant paſſé de bouche en bouche, tout le monde en pouſſa des cris d’allegreſſe. La défiance s’empara pourtant durant quelques momens de beaucoup d’eſprits : & ils ne pouvoient ſe reſoudre à ſe fier à rien, apres tout ce qui eſtoit arrivé. Les uns vouloient avoir des Oſtages ; les autres demandoient ſi Thiamis, de qui la ſagesse & la probité eſtoient connuës de tout le monde, leur en reſpondoit : de ſorte que s’entendant nommer par tant de voix, & par tant de perſonnes differentes ; Non non (leur dit le plus haut qu’il pût ce ſage Sacrificateur) ne craignez rien, en me