Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/51

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puis vous aſſeurer qu’il ſera toute ſa vie ſoumis à vos volontez : mais de telle ſorte, pourſuivit il, que vous n’avez pas plus de droit de commander au moindre de vos Sujets, que ma propre inclination vous en donne ſur moy. Voila Seigneur, quels ſont les veritables ſentimens de ce Deſtructeur de l’Aſie : de cét Uſurpateur qui veut renverſer des Throſnes, & regner par d’injuſtes voyes. Vous pouvez bien juger Seigneur, qu’un Prince qui s’eſt caché a trente mille Subjets du Roy ſon Pere qui eſtoient dans voſtre Armée, n’avoit pas de deſſeins fort ambitieux : luy qui par la crainte de vous offencer, a penſé perdre la vie, ſans faire sçavoir ſa condition. Ceſſez, (luy reſpondit Ciaxare, en l’embraſſant tout de nouveau les larmes aux yeux, ceſſez de vous juſtifier : car plus vous le faites, plus vous me noirciſſez, & plus je parois coupable ; & il eſt bon pour ma gloire que vous ne paroiſſiez pas ſi innocent. Je ſuis aſſez criminel, reprit modeſtement Cyrus, d’avoir eu le malheur de vous déplaire : & d’eſtre la cauſe innocente de la rebellion de vos Subjets. J’oſe toutefois vous ſupplier (adjouſta Cyrus, d’une façon fort reſpectueuse) de me vouloir charger ſeul de leur crime : & de les vouloir tous punir en ma perſonne. Non (luy repliqua le Roy, avec beaucoup de bonté) la veuë de Cyrus, ayant renouvellé dans mon cœur toute la tendreſſe qu’il avoit euë pour luy, je ne feray pas ce que vous dittes : au contraire je les recompenſeray tous en voſtre perſonne, de m’avoir empeſché de commettre une effroyable injuſtice : & de priver toute l’Aſie de ſa plus grande gloire, & de ſon principal ornement. Cependant, adjouſta le Roy, pour remettre le Peuple & les Soldats dans leur devoir, allez reprendre voſtre Charge :