Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/49

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plus aux volontés de l’animal gourmand et gâté, et, le déposant doucement près du panier, non seulement elle le laissa faire, mais encore elle aida au vol en défaisant sans bruit le papier qui enveloppait la viande. Chéri mignon fourra son nez dans le panier, saisit un gros morceau de veau froid, et se mit à le dévorer avec un appétit dont se réjouissait le faible cœur de sa sotte maîtresse. À peine avait-il avalé le dernier morceau que la diligence s’arrêta et que chacun se réveilla. Les chevaux furent bientôt attelés ; la voiture repartit.

« Il est près de midi, dit Prudence : c’est l’heure de déjeuner ; avez-vous faim, monsieur Innocent et mademoiselle Simplicie ?

— Très faim, fut la réponse des deux enfants.

— Alors nous pouvons déjeuner, et si ces messieurs les Polonais ont bon appétit, nous trouverons bien un morceau à leur offrir. »

Les yeux des Polonais brillèrent, leurs bouches s’ouvrirent ; les pauvres gens n’avaient rien mangé depuis la veille pour ménager leur maigre bourse et pouvoir payer le dîner au Mans. Prudence les avait pris en amitié à cause de leurs menaces contre le chien ; elle reçut avec plaisirs les vifs remerciements des deux affamés,

Prudence se baisse, prend le panier, le trouve léger, y jette un prompt et méfiant regard.

« On a fouillé dans le panier ! s’écrie-t-elle. On a