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LE ROI JEAN.

PHILIPPE, au cardinal.

— Très-révérend père, mettez-vous à ma place, — et dites-moi comment vous vous conduiriez vous-même. — Sa main royale et la mienne viennent de se joindre ; — et nos âmes intimement unies ont été mariées, accouplées et liées — avec toute la religieuse force des serments sacrés. — Le dernier souffle qui ait eu son de parole — a été un serment de fidélité, de paix, d’amitié, de véritable amour — entre nos deux empires et nos royales personnes. — Pour nous serrer les mains à la conclusion de ce royal pacte d’alliance, — nous avons à peine pris le temps de les laver… — Dieu sait, en effet, combien, un peu avant cette trêve, — le carnage les avait barbouillées et souillées — de son pinceau, et avec quelle couleur la vengeance y avait peint — l’effroyable querelle de deux rois irrités !… — Et ces mains, à peine purifiées, si récemment, si fortement unies par un mutuel amour, — se détacheraient de cette étreinte et de cette bonne réconciliation ! — Nous pourrions ainsi ruser avec l’honneur, nous moquer du ciel, — et, par notre inconstance, faire de nous des enfants — qui n’ont voulu que jouer à la main chaude ! — Nous pourrions abjurer la foi jurée, faire marcher — une horde sanglante sur le lit nuptial de la paix qui sourit, — et susciter la révolte sur le front serein — de la loyauté pure ! Ô saint homme, — mon révérend père, qu’il n’en soit pas ainsi ! — Du haut de votre grâce, imaginez, décrétez, imposez — quelque douce décision ; et alors c’est avec bonheur — que nous nous soumettrons à votre bon plaisir, en restant amis !

PANDOLPHE, à Philippe.

— Toute forme est difformité, tout ordre est désordre, — qui n’est pas contraire à l’amitié anglaise. — Ainsi, aux armes ! sois le champion de notre Église ! — ou que