Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
LE ROI JEAN.
sant : Que désirez-vous ? où est votre mal ? — ou encore : Quel bon office puis-je accomplir pour vous ? — Bien des fils de pauvres gens seraient restés couchés tranquilles, — et ne vous auraient pas dit un mot affectueux ; — mais vous, vous avez eu pour garde-malade un prince. — Après tout, vous pouvez croire que ma tendresse était une tendresse simulée, — et la traiter de ruse : croyez ce que vous voudrez. — S’il a plu au ciel que vous me maltraitiez, — eh bien, faites-le… Voulez-vous m’enlever les yeux ? — ces yeux qui n’ont jamais eu, qui n’auront — jamais pour vous même un regard maussade !
HUBERT.

Je l’ai juré ! — Il faut que je les brûle avec un fer chaud.

ARTHUR.

— Ah ! nul être humain, si ce n’est dans cet âge de fer, ne voudrait faire cela. — Le fer lui-même, quoique ardent et rouge, — en approchant de ces yeux, boirait mes larmes — et éteindrait sa brûlante fureur — dans le débordement de mon innocence ; — oui, et après, il se consumerait en rouille — rien que pour avoir contenu le feu qui devait blesser mes yeux. — Êtes-vous donc un plus dur obstiné que le fer forgé ? — Ah ! si un ange était venu à moi — et m’avait dit qu’Hubert m’enlèverait les yeux, — je ne l’aurais pas cru : pas d’une autre bouche que celle d’Hubert !

HUBERT, frappant du pied.

— Arrivez.

Les deux exécuteurs entrent avec des cordes, des fers, etc.
HUBERT.

Faites ce que je vous dis.

ARTHUR.

— Oh ! sauvez-moi, Hubert, sauvez-moi ! Mes yeux