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LE ROI JEAN.

LE ROI JEAN.

— Pourquoi cherches-tu à m’obséder de ces frayeurs ? — Pourquoi insistes-tu tant sur la mort du jeune Arthur ? — C’est ta main qui l’a assassiné : j’avais de puissants motifs — pour le souhaiter mort, mais tu n’en avais aucun pour le tuer.

HUBERT.

— Aucun, milord ? Comment ! Ne m’y aviez-vous pas provoqué ?

LE ROI JEAN.

— C’est la malédiction des rois d’être assistés — par des esclaves qui prennent une boutade pour un ordre — de forcer le domicile sanglant d’une vie, — toujours prêts à comprendre comme une loi — un clin d’œil de l’autorité, et à voir une intention — menaçante du souverain quand par hasard il fronce le sourcil, — plutôt par humeur que par réflexion.

HUBERT.

— Voici votre signature et votre sceau à l’appui de ce que j’ai fait.

LE ROI JEAN.

— Oh ! quand le dernier compte entre le ciel et la terre — devra être réglé, alors cette signature et ce sceau — déposeront contre nous pour notre damnation ! — Que de fois la vue des instruments du mal — fait faire le mal ! Si tu n’avais pas été là, — compagnon marqué par la main de la nature, — noté et désigné pour faire une action honteuse, — ce meurtre ne me serait jamais venu à l’esprit. — Mais, remarquant ton horrible aspect, — te trouvant bon pour une sanglante vilenie — et tout disposé, tout fait pour un emploi hasardeux, — je me suis vaguement ouvert à toi sur la mort d’Arthur, — et toi, pour te faire chérir d’un roi, — tu n’as pas eu scrupule de détruire un prince !