Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/29

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jour d’avril, et ensuite s’en retourna en Normandie. Immédiatement après son arrivée, la rumeur se répandit par toute la France que son neveu Arthur était mort. Le fait est qu’une requête imposante avait été faite pour réclamer la mise en liberté d’Arthur, aussi bien par le roi de France que par Guillaume de Miches, vaillant baron du Poitou, et divers autres seigneurs bretons. Ceux-ci, n’ayant pu réussir dans leur requête, se liguèrent ensemble, et, ayant formé une confédération avec Robert, comte d’Alençon, le vicomte Beaumont, Guillaume de Fougères et d’autres, commencèrent une rude guerre contre le roi Jean en divers lieux, si bien qu’on pensa que, tant qu’Arthur vivrait, il n’y aurait pas de repos dans cette province. Sur quoi, le roi Jean, persuadé, dit-on, par ses conseillers, désigna certaines personnes pour se rendre à Falaise, où Arthur était enfermé sous la garde d’Hubert du Bourg, avec mission d’arracher les yeux au jeune seigneur.

» Mais Arthur fit une telle résistance à l’un des tourmenteurs qui étaient venus exécuter l’ordre du roi, (car l’autre aima mieux abandonner son prince et sa patrie que de consentir à obéir en ce cas à l’autorité royale), et proféra de si lamentables paroles, qu’Hubert du Bourg le sauva du supplice, convaincu qu’il obtiendrait du roi plutôt des remercîments que des reproches, pour s’être opposé à une infamie qui aurait rejailli jusque sur son altesse, si le jeune seigneur avait été si cruellement traité. Car il réfléchit que le roi Jean avait pris cette décision seulement dans la chaleur de la colère. Et cette passion, chacun le sait, pousse les hommes aux entreprises les plus funestes ; fort malséante chez un homme du commun, elle est beaucoup plus blâmable chez un prince, tous les hommes dans cette humeur devenant aussi fous que furieux, et étant enclins à accomplir les