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RICHARD III.

la femme de ton Édouard, de ton fils assassiné, — poignardé par la même main qui t’a fait ces blessures ! — Tiens ! par ces fenêtres d’où ta vie s’échappe, — je verse le baume inefficace de mes pauvres yeux. — Oh ! maudite soit la main qui t’a fait ces trous ! — maudit le cœur qui a eu ce cœur-là ! — maudit le sang qui a fait couler ce sang ! — puissent sur l’odieux misérable — qui nous rend misérables par ta mort, — tomber des calamités plus terribles — que je n’en puis souhaiter aux serpents, aux araignées, aux crapauds, — à tous les reptiles venimeux qui vivent ! — Si jamais il a un enfant, que cet enfant soit un avorton — prodigieux, venu au jour avant terme, — qui, par son aspect hideux et contre nature, — épouvante à première vue sa mère pleine d’espoir, — et soit l’héritier de son malheur, à lui ! — Si jamais il a une femme, qu’elle devienne, — par sa mort, plus malheureuse — que je ne le suis par celle de mon jeune seigneur et par la tienne ! — Allons ! marchez maintenant vers Chertsey avec le saint fardeau — que vous avez emporté de Saint-Paul pour être enterré là. — Et, chaque fois que son poids vous fatiguera, — reposez-vous, tandis que je me lamenterai sur le cadavre du roi Henry !

Les porteurs enlèvent le corps et se mettent en marche.
Entre Richard.
RICHARD, se plaçant devant le cortége.

— Arrêtez, vous qui portez le corps, et posez-le à terre.

LADY ANNE.

— Quel noir magicien évoque ici ce démon — pour empêcher les actes charitables du dévouement ?

RICHARD.

— Manants, déposez le cadavre, ou, par saint Paul, — je ferai un cadavre de qui désobéira.