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RICHARD III.
comme tu engloutis le sang de ce bon roi — qu’a égorgé son bras gouverné par l’enfer !
RICHARD.

— Belle dame, vous ne connaissez pas les règles de la charité — qui rend le bien pour le mal, les bénédictions pour les malédictions !

LADY ANNE.

— Scélérat, tu ne connais aucune loi, ni divine, ni humaine : — il n’est pas de bête si féroce qui ne connaisse l’impression de la pitié.

RICHARD.

— Je ne la connais pas, je ne suis donc pas une bête.

LADY ANNE.

— Ô miracle ! entendre les démons dire la vérité !

RICHARD.

— Miracle plus grand ! voir les anges si furieux ! — Veuillez permettre, perfection divine de la femme, — que je me justifie à loisir — de ces crimes supposés.

LADY ANNE.

— Veuille toi-même, infection gangrenée de l’homme, — permettre que, pour ces crimes reconnus, — je maudisse à loisir ta maudite personne.

RICHARD.

— Beauté que la langue ne peut décrire, donne-moi — patiemment le temps de m’excuser.

LADY ANNE.

— Monstre que la pensée ne peut rêver, tu n’as plus, — pour excuse valable, qu’à te pendre.

RICHARD.

— Par un pareil désespoir, je m’accuserais moi-même.

LADY ANNE.

— Non ! par ce désespoir, tu t’excuserais, — en vengeant dignement sur toi-même — tant d’autres indignement assassinés par toi.