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SCÈNE V.

ÉDOUARD.

— Je t’en prie, laisse-moi : mon âme est pleine de tristesse.

STANLEY.

— Je ne me lèverai pas que votre altesse ne m’ait entendu.

ÉDOUARD.

— Alors, dis vite ce que tu désires.

STANLEY.

— Mon souverain, la grâce d’un de mes gens — qui a tué aujourd’hui un insolent gentilhomme — de la suite du duc de Norfolk.

ÉDOUARD.

— Quoi ! ma bouche aurait condamné mon frère à mort, — et elle prononcerait le pardon d’un esclave ! — Mon frère n’avait tué personne ; sa faute n’était qu’une pensée, — et sa peine pourtant a été une mort cruelle. — Qui m’a demandé grâce pour lui ? Qui, dans ma fureur, — s’est agenouillé à mes pieds et m’a dit de réfléchir ? — Qui m’a parlé de fraternité ? Qui m’a parlé d’amour ? — Qui m’a rappelé comment il avait, pauvre âme ! — abandonné le puissant Warwick, et combattu pour moi ? — Qui m’a transporté dans les champs de Tewskbury — au moment où je fus terrassé par Oxford, et où il me sauva la vie — en s’écriant : « Cher frère, vivez et soyez roi ! » — Qui m’a rappelé comment, alors que nous étions tous deux étendus sur la terre, — presque morts de froid, il m’enveloppa — dans ses propres vêtements, et s’abandonna, — transi et nu, à la nuit glacée ? — Tout cela, une colère brutale et coupable — l’avait arraché de mon souvenir, et pas un de vous — n’a eu la charité de m’y faire penser ! — Mais qu’un de vos charretiers, qu’un de vos vassaux ivres — ait fait un meurtre, et ait mutilé — l’image sainte de notre bien-aimé Rédempteur, — vous