Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/39

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sonnement, de sortilége et de magie, condamné, comme coupable, à la peine de mort, et exécuté. Le duc, ne pouvant souffrir la condamnation de son homme, — condamnation qu’il trouvait injuste dans sa conscience, — et outré par l’inique exécution de son fidèle serviteur, flétrissait journellement cet acte par des murmures acerbes. Le roi, piqué et gêné par les plaintes quotidiennes et par les continuelles récriminations de son frère, le fit appréhender et jeter à la Tour, où, une fois enfermé et déclaré traître, il fut secrètement noyé dans un tonneau de Malvoisie.

» Mais il est certain que, bien que le roi Édouard eût consenti à la mort et à la destruction de son frère, il pleura amèrement sa fin infortunée et se repentit de sa brusque exécution : à ce point que, quand une personne implorait de lui le pardon d’un malfaiteur condamné à la peine de mort, il avait coutume de s’écrier hautement : Ô malheureux frère, pour la vie de qui pas une créature n’a voulu intercéder ! voulant dire apparemment par cette exclamation qu’il avait été entraîné à perdre son frère par quelques-uns des nobles qui l’avaient circonvenu.[1] »

Le duc de Clarence fut exécuté le 17 février 1478. Peu d’années après, au mois d’avril 1483, le roi Édouard mourut de débauche. Ainsi débarrassé de ses deux frères, Richard n’était plus séparé du trône que par des enfants. Le prince de Galles avait douze ans lorsqu’il fut proclamé sous le nom d’Édouard V. La mort de son père le surprit au château de Ludlow, où il était élevé sous la surveillance d’un conseil composé des parents et des

  1. Voir la Vie du roi Richard III, par sir Thomas More. Cette histoire, malheureusement inachevée, fut publiée pour la première fois en 1513, quand Thomas Morus était sous-shérif de la cité de Londres. Elle a été presque littéralement copiée par Hall dans ses Chroniques, et c’est sans doute par cette reproduction que Shakespeare a connu le récit de l’historien-martyr.