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RICHARD III.
perdu ? un fils qui était roi. — Eh bien, cette perte fait votre fille reine. — Je ne puis vous donner tous les dédommagements que je voudrais ; — acceptez donc ce que je peux vous offrir. — Dorset, votre fils, dans l’effroi de son âme, — porte ses pas mécontents sur un sol étranger ; — cette heureuse alliance va le rappeler vite, — pour être promu à de grandes dignités. — Le roi, qui appellera votre charmante fille : ma femme, — appellera familièrement votre Dorset : mon frère ! — Vous serez encore la mère d’un roi, — et toutes les ruines des temps de détresse — seront vite réparées avec les trésors d’un bonheur doublé. — Ah ! nous avons devant nous bien des belles journées. — Les larmes que vous avez versées — vous reviendront transformées en perles d’Orient : — elles vous seront remboursées avec les intérêts — d’une félicité décuple. — Va donc trouver ta fille, ma mère, va ! — Enhardis de ton expérience sa timide jeunesse ; — prépare ses oreilles à entendre des propos d’amoureux ; — allume dans son tendre cœur l’aspiration — à la souveraineté d’or ; révèle à la princesse — les douces heures silencieuses de la joie conjugale ; — et, quand mon bras aura châtié — ce petit rebelle, l’entêté Buckingham, — j’arriverai couronné de guirlandes triomphales, — et je conduirai ta fille au lit d’un conquérant ; — je lui transmettrai mes conquêtes, — et, seule victorieuse, elle sera le César de César !
LA REINE ÉLISABETH.

— Que ferai-je bien de lui dire ? Que le frère de son père — voudrait être son mari ? Lui dirai-je que c’est son oncle, — ou que c’est le meurtrier de ses frères et de ses oncles ? — Sous quel titre te vanterai-je, — que Dieu, la loi, mon honneur et sa tendresse — puissent rendre agréables à ses jeunes années (64) ?