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SCÈNE XXII.

RICHARD.

— Qu’on me donne un autre cheval !… Qu’on bande mes blessures ! — Aie pitié, Jésus !… Doucement… ce n’était qu’un rêve. — Ô lâche conscience, comme tu me tourmentes ! — Ces lumières brûlent bleu… C’est maintenant le moment funèbre de la nuit : — des gouttes de sueur froide se figent sur ma chair tremblante. — Comment ! est-ce que j’ai peur de moi-même ? Il n’y a que moi ici ! — Richard aime Richard, et je suis bien moi. — Est-ce qu’il y a un assassin ici ? Non… Si, moi ! — Alors fuyons… Quoi ! me fuir moi-même ?… Bonne raison : Pourquoi ? — De peur que je ne châtie moi-même… qui ? moi-même ! — Bah ! je m’aime, moi !… Pourquoi ? pour un peu de bien — que je me suis fait à moi-même ? — Oh non ! hélas ! je m’exécrerais bien plutôt moi-même — pour les exécrables actions commises par moi-même. — Je suis un scélérat… Mais non, je mens, je n’en suis pas un. — Imbécile, parle donc bien de toi-même… Imbécile, ne te flatte pas. — Ma conscience a mille langues, — et chaque langue raconte une histoire, — et chaque histoire me condamne comme scélérat. — Le parjure, le parjure, au plus haut degré, — le meurtre, le meurtre cruel, au plus atroce degré, — tous les crimes, poussés au suprême degré, — se pressent à la barre criant tous : Coupable ! coupable ! — Ah ! je désespérerai. Pas une créature ne m’aime ! — et, si je meurs, pas une âme n’aura de pitié pour moi !… — Et pourquoi en aurait-on, puisque moi-même — je ne trouve pas en moi-même de pitié pour moi-même ? — Il m’a semblé que les âmes de tous ceux que j’ai assassinés — venaient à ma tente, et que chacune provoquait — la vengeance de demain sur la tête de Richard ! —