Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/50

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position flatteuse une fois faite, de crier : Vive le roi Richard ! vive le roi Richard ! Aussi fut-il merveilleusement confus, quand il eut parlé, de voir que tous restaient impassibles et muets, sans répondre un seul mot. Il prit donc à part le maire et d’autres qui étaient dans le secret de la chose, et leur dit à voix basse : — Que signifie ceci ? pourquoi le peuple reste-t-il silencieux ? — Monsieur, répondit le maire, peut-être ne vous comprend-il pas bien. — Si ce n’est que cela, fit le duc, nous allons y porter remède. Et immédiatement, prenant un ton un peu plus haut, il se mit à redire les mêmes choses, dans un autre ordre et en d’autres termes, d’une manière si élégante et si ornée, et néanmoins si évidente et si claire, avec une voix, une contenance, un geste si convenables et si séduisants, que tous les auditeurs étaient émerveillés et pensaient n’avoir jamais de leur vie entendu plaider si bien une si mauvaise cause. Mais soit crainte, soit étonnement, soit que chacun attendît que son voisin parlât le premier, il n’y eut pas, dans toute la foule qui se tenait là, une seule voix qui répondit au duc : tous restèrent silencieux comme la nuit. Voyant cela, le maire, accompagné des autres affidés au projet, prit le duc à part et lui dit que le peuple n’avait pas l’habitude d’être harangué par d’autre que le recorder, qui est l’orateur de la cité, et que, sans doute, il répondrait à celui-ci. Sur ce, le recorder, nommé Thomas Fitz-William, un homme grave et honnête qui, tout nouveau-venu dans cet office, n’avait pas encore parlé au peuple, et qui avait grande répugnance à débuter par cette affaire, le recorder, cédant à l’injonction du maire, redit aux membres de la commune ce que le duc leur avait déjà expliqué lui-même ; mais il prit soin, dans son discours, d’exposer la chose telle que le duc l’avait présentée, sans rien ajouter de lui-même. En dépit de tout cela, aucun changement ne se manifestait