Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/60

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tente, rafraîchit ses soldats, et prit du repos. Le bruit courut qu’il eut, cette nuit-là même, un songe effrayant et terrible, car il lui sembla, dans son sommeil, voir diverses images, semblables à d’horribles démons, qui le tiraient et le secouaient, sans lui laisser un moment de calme et de tranquillité. Cette étrange vision eut pour effet, non pas précisément de frapper son cœur d’une frayeur soudaine, mais de lui troubler l’esprit et de lui bourrer la tête d’hallucinations terribles et incessantes ; car, perdant presque le courage immédiatement après, il fit prévoir d’avance l’issue critique de la bataille, — n’ayant plus cette vivacité, cette gaieté d’esprit et de physionomie qu’il avait coutume de montrer quand il marchait au combat. Et, pour qu’on ne crût pas que son abattement et sa mine piteuse étaient causés par la crainte de l’ennemi, il révéla, dans la matinée, et raconta à ses amis intimes l’étonnante vision et le rêve terrible qu’il venait d’avoir[1]. »

Enfin, voici les deux armées en présence l’une de l’autre. Nous sommes en plein été, dans la matinée du 22 août 1485, et pourtant le jour est si sombre qu’on le prendrait pour un crépuscule. Richard vient de haranguer ses soldats et de leur promettre la victoire. Maintenant écoutons l’émouvant récit du chroniqueur :

« Le roi avait à peine fini de parler que les deux armées s’aperçurent. Seigneur ! avec quelle hâte les soldats bouclèrent leurs casques ! comme les archers eurent vite tendu leurs arcs et serré leurs plumets ! avec quelle promptitude les piquiers brandirent leurs haches et essayèrent leurs lances ! tous prêts à s’élancer dans la mêlée, dès que la terrible trompette aurait sonné la fanfare sanglante de la victoire ou de la mort. Entre les deux

  1. Extrait de la chronique de Hall.