Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/62

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bras raccourci, sir John Cheinye, qui voulait lui résister, et s’ouvrit ainsi le passage à coups d’épée. Alors le comte de Richmond résista à sa furie et le maintint à la pointe de l’épée ; mais déjà ses compagnons croyaient la partie perdue pour lui et désespéraient de la victoire, quand sir William Stanley vint à son secours avec trois mille hommes solides. Alors les gens de Richard furent repoussés et mis en fuite, et le roi lui-même, tout en combattant vaillamment au milieu de ses ennemis, fut frappé à mort, comme il l’avait mérité. »


IV


Prodigieux pouvoir de la poésie ! un homme se parjure, assassine, règne et tombe ; puis un chroniqueur obscur, ayant nom Holinshed ou Hall, écrit dans l’ombre la biographie de cet homme. Le livre qui contient cette biographie reste pendant de longues années enfoui dans le coin de quelque bibliothèque avec un millier d’autres volumes : personne ne le lit, la poussière le couvre, la moisissure l’envahit, et bientôt l’histoire du tyran va être mangée des vers, comme son cadavre. Un beau jour, cependant, un poëte, inspiré du ciel, entre dans cette salle déserte ; il ramasse le bouquin oublié, il le parcourt, il le lit, et, dans le récit naïf du chroniqueur, il retrouve, feuille à feuille, les forfaits perdus : le parjure, l’assassinat, l’usurpation. Alors il s’émeut, il s’indigne, il entend à travers les âges l’appel de ceux qu’on égorge. Il entend Duncan qui lui crie : Au secours ! et, comme il s’appelle Shakespeare, il fait Macbeth. Il entend Arthur qui lui crie : Pitié ! et il fait le Roi Jean. Il entend les enfants d’Édouard qui lui crient : Justice ! et il écrit Richard III.

Alors un phénomène extraordinaire se produit. Grâce