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LES FARCES.

firmant et élucidant la tradition, est acceptée sans réserve par les critiques les plus compétents du commencement de ce siècle, — en Angleterre, par Coleridge, Hazlitt et Scotowe, — en Allemagne, par Tieck et Schlegel. Déjà cependant la dissidence éclate. George Chalmers, dans son « Apologie supplémentaire, » attaque à fond le verdict de Malone, traite la tradition de fable, déclare qu’en l’année 1601, l’année de l’exécution d’Essex, la reine Élisabeth n’était pas en humeur de s’occuper de pareilles plaisanteries, et, se fondant sur certains rapprochements de détails, émet cette hypothèse toute nouvelle que la comédie de Shakespeare, écrite dès 1596, doit être placée logiquement et chronologiquement, avant la première partie de Henry IV. En vain Nathan Drake crie au paradoxe et défend chaleureusement la théorie de Malone. M. Knight revient à la charge contre cette théorie, met en question la tradition, puis, croyant voir dans un passage de la pièce une allusion à une visite faite à la cour d’Angleterre par un certain comte de Montbéliard, en 1592, prétend que la comédie a dû être écrite à cette occasion, et conclut avec Chalmers que, composée avant la première partie de Henry IV, elle fait prologue à cette première partie. Sur quoi M. Halliwell tente une transaction entre Malone et M. Knight, — inclinant à croire avec M. Knight que la comédie a dû être conçue dans sonétat primitif en 1592, mais reconnaissant avec Malone qu’elle fait suite dramatiquement à la seconde partie de Henry IV. Enfin (1860), M. Staunton, dans cette belle édition qu’a illustrée l’élégant crayon de John Gilbert, rejette la conjecture de M. Knight, repousse l’opinion mixte de M. Halliwell, affirme de nouveau la tradition léguée par le dix-huitième siècle, et se rallie définitivement à la théorie de Malone.

Maintenant où est la vérité entre tant d’hypothèses