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INTRODUCTION.

en péril, tombe sur les quatre hommes, les disperse, et délivre Ménechme d’Épidamnum, qu’il comble de stupéfaction en lui demandant la liberté en retour de ce beau service. C’est sur cette scène émouvante que Plaute ferme la série des méprises. Ménechme de Syracuse revient, cherchant Messenio, et se trouve enfin face à face avec Ménechme d’Epidamnum. Les deux jumeaux s’interrogent, s’expliquent, se reconnaissent, s’embrassent. Ménechme de Syracuse est si joyeux qu’il affranchit Messenio. Ménechme d’Épidamnum est si heureux qu’il jure de ne plus quitter son frère ; il veut l’accompagner à Syracuse, et, pour partir plus allègre, il va faire mettre à l’encan tout ce qu’il possède céans, ses esclaves, son mobilier, ses terres, sa maison, et surtout sa femme !

Ainsi la réunion définitive des deux jumeaux est la conclusion suprême de la comédie antique. Leur séparation avait noué l’intrigue, leur confrontation la dénoue. Tout ici est sacrifié au triomphe exclusif d’une passion unique, — l’amour fraternel. Pour aller vivre avec son frère, Ménechme d’Épidamnum abandonne sa patrie adoptive, met aux enchères sa maison et ses serviteurs, vend sa femme, et c’est après ce trait final que Plaute réclame les applaudissements du parterre latin.

Nune, spectatores, valete, et nobis clare applaudite.

Cette immolation cruelle des sentiments les plus sacrés ne troublait pas la rude joie des anciens. Qu’allait devenir cette maisonnée dispersée aux quatre vents ? quelle serait la destinée de ces serviteurs livrés à l’encan ? quel serait le sort de cette malheureuse épouse abandonnée au plus offrant ? De tels soucis n’empêchaient pas les bravos et les rires d’éclater. Ce Ménechme vendant sa femme après l’avoir dépouillée pouvait rester comique,