Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/423

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Fabien. — Je prouverai la vérité de ce que j’avance, Messire, sur les affirmations du jugement et de la raison.

Messire Tobie. — Et tous deux ont été de grands jurés longtemps avant que Noé fut marin.

Fabien. — Elle n’a fait des courtoisies au jeune homme devant vous que pour vous exaspérer, pour réveiller votre valeur qui s’endort comme un loir, mettre du feu dans votre cœur et du salpêtre dans vos veines. Vous auriez dû l’accoster alors, et avec quelques excellentes plaisanteries, frappées sur-le-champ par le balancier de votre esprit, vous auriez réduit le jeune homme au silence. C’est ce qu’on attendait de vous et cet espoir a été trompé : vous avez laissé le temps effacer la double dorure de cette occasion et vous avez maintenant navigué au nord de l’opinion de Madame, où vous pendrez comme un glaçon à la barbe d’un Hollandais, à moins que vous ne rachetiez cette faute par quelque louable entreprise de valeur ou de politique.

Messire André. — Si j’en fais une, ce sera une entreprise de valeur ; car je hais la politique : j’aimerais autant être un Browniste qu’un politique.

Messire Tobie. — Eh bien alors, construis-moi ta fortune sur la base de la valeur. Provoque-moi au combat le jeune homme du duc, blesse le à onze endroits ; ma nièce en prendra note, et sois sûr qu’il n’y a pas au monde d’entremetteur d’amour qui puisse réussir à recommander un homme auprès d’une femme autant qu’une réputation de valeur.

Fabien. — II n’y pas d’autre moyen, Messire André.

Messire André. — Un d’entre vous voudra-t’il porter pour moi un message au jeune homme ?

Messire Tobie. — Va, écris-le d’une main martiale ; sois impertinent et bref ; peu importe que tu sois spirituel, pourvu que tu sois éloquent et plein d’invention ; insulte-le avec toute la licence de l’encre. Si tu lui dis tu quelques trois fois, il n’y aura pas de mal à cela, et couche-moi sur ta feuille de papier autant de mensonges qu’elle en pourra tenir, quand bien même elle serait assez