Page:Shelley - Œuvres en prose, 1903, trad. Savine.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
303
DE PERCY BYSSHE SHELLEY

frayante et si complète. L’intérêt est saisi d’une manière terriblement profonde et rapide. Lui résister est aussi vain que si un fil de la vierge tentait de barrer la route à l’orage. À ce point de vue, il y a plus de puissance que dans Caleb Willams ; l’intérêt dans Caleb Williams était aussi rapide, mais moins profond que dans Mandeville ; c’est un vent qui remue les eaux les plus profondes dans l’Océan de l’esprit.

Le langage est plus riche et plus varié, et les expressions plus éloquentes dans leur douceur, sans perdre de cette énergie et de cette clarté qui caractérisent La Justice politique et Caleb Willams. Les considérations morales ont une force, un enchaînement, une hardiesse auxquels l’auteur tendait moins fortement dans ses autres ouvrages d’imagination. Le plaidoyer qu’Henrietta adresse à Mandeville, après qu’il a recouvré la raison, en faveur de la vertu et de l’énergie dans la bienfaisance, forme à tous les points de vue, un des morceaux de style les plus parfaits et les plus beaux des temps modernes. C’est la véritable doctrine de la Justice politique qui passe comme un fleuve limpide et émouvant, et qui revêt une mélodie de langage si enchanteresse qu’elle semble, tout autant que les écrits de Platon, donner de la réalité à ces vers de Milton :


Combien charmante est la divine philosophie,
Elle n’est point rude et âpre,
Mais musicale comme sur la lyre d’Apollon.


La causerie de Clifford sur la richesse présente aussi un mélange agréable, et facile à débrouiller,