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LES STOÏQUES.

Que de fois j’évoquai devant le seuil plus sombre
L’émouvant souvenir des misères sans nombre
Que tu sus, non guérir, hélas ! mais soulager,
Et, m’oubliant enfin moi-même pour te suivre,
Avec ces malheureux qui te devaient de vivre,
Que de fois j’ai cru partager !

Entre nous deux ainsi c’était un doux échange
Tout odorant pour moi d’un parfum sans mélange,
J’étais ta poésie & toi ma charité.
Comme autrefois l’enfant dans tes bras endormie,
Ou sur ses petits pieds avec peine affermie,
Quand tu l’aidais dans sa naissante liberté,
Tu berçais de tes vœux ma jeune renommée,
Et, d’un nouvel espoir pour elle ranimée,
Tu mettais ton plaisir à voir mes premiers pas,
Tandis qu’auprès de toi rénovant ma pensée,
Je fixais dans cette œuvre à ta tombe adressée
Ce que tu m’avais dit tout bas.

Car le temps a passé des luttes douloureuses,
Et par le temps aussi mes larmes plus peureuses
Dans l’ombre & le silence ont appris à couler.
J’ai dû voiler aux yeux le secret de mon âme