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LES STOÏQUES.

Pour les combats futurs par les tourments passés
(Est-ce erreur de mes yeux éblouis & lassés,
Regret de perdre trop en laissant davantage,
Doute, pressentiment, lâche instinct, faux présage ?),
J’y songe plus souvent avec bien plus d’émoi.
Je me dis : Si demain ne venait pas pour moi !
Et cette question aussitôt se présente :
Suis-je prête ? — L’épreuve est parfois si pressante
Que je sens mon cœur battre & mon front se pencher,
Comme si l’ange noir venait de me toucher.

Ainsi quand vient le jour après la lutte horrible,
En retrouvant la vie à ce souffle terrible
Qui prend leur dernier râle aux bouches des mourants,
Celui qu’on vit tomber le premier dans les rangs,
Celui qu’on croyait mort se soulève & regarde :
Autour de lui les champs, sous cette aube blafarde,
S’étendent tout unis & comme nivelés ;
Arbres, moissons, soldats gisent entremêlés,
Et les bruits furieux de la grande bataille
Se sont éteints dans cette immense funéraille.
Etonné plus qu’heureux, celui qu’on croyait mort
Scrute ses souvenirs confus avec effort ;
Il revoit chaque chose & soudain se rappelle