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les vents, était extrêmement favorable à l’enfance de la navigation, tant par la tranquillité de ses eaux que par la multitude de ses îles et par la proximité des rivages qui la bordent, alors que les hommes ignorant l’usage de la boussole, craignaient de perdre de vue les côtes et que, dans l’état d’imperfection où était l’art de la construction des vaisseaux, ils n’osaient s’abandonner aux flots impétueux de l’océan. Traverser les colonnes d’Hercule, c’est-à-dire naviguer au-delà du détroit de Gibraltar, fut longtemps regardé, dans l’antiquité, comme l’entreprise la plus périlleuse et la plus surprenante. Les Phéniciens et les Carthaginois, les plus habiles navigateurs et les plus savants constructeurs de vaisseaux dans ces anciens temps, ne tentèrent même ce passage que fort tard, et ils furent longtemps les seuls peuples qui l’osèrent.

L’Égypte semble avoir été le premier de tous les pays, sur les côtes de la Méditerranée, dans lequel l’agriculture ou les métiers aient été cultivés et avancés à un degré un peu considérable. La haute Égypte ne s’étend qu’à quelques milles de distance du Nil, et dans la basse Égypte, ce grand fleuve se partage en plusieurs différents canaux qui, à l’aide de très-peu d’art, ont fourni des moyens de communication et de transport, non-seulement entre toutes les grandes villes, mais encore entre les villages considérables, et même entre plusieurs établissements agricoles, à peu près de la même manière que font aujourd’hui en Hollande le Rhin et la Meuse. L’étendue et la facilité de cette navigation intérieure furent probablement une des causes principales qui ont amené l’Égypte de si bonne heure à l’état d’opulence[1].

Il paraît aussi que les progrès de l’agriculture et des métiers datent de la plus haute Antiquité dans le Bengale et dans quelques-unes des provinces orientales de la Chine, quoique nous ne puissions cependant avoir sur cette partie du monde aucun témoignage bien authentique pour juger de l’étendue de cette antiquité. Au Bengale, le Gange et quelques autres grands fleuves se partagent en plusieurs canaux, comme le Nil en Égypte. Dans les provinces orientales de la Chine, il y a aussi plusieurs grands fleuves qui forment par leurs différentes branches une multitude de canaux et qui, communiquant les uns avec les autres,

  1. Voyez à ce sujet le magnifique tableau de l’Égypte, tracé par Napoléon dans le Ier volume des Mémoires dictés à Sainte-Hélène, pages 42-70, Ire édition. Les événements ont justifié la haute opinion que l’empereur avait conçue des destinées de ce pays, dont la fortune tient aujourd’hui l’Europe entière en suspens. A. B.