Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tiers environ de leur valeur originaire ; la livre et le penny d’Écosse, qu’un trente-sixième environ, et la livre et le penny ou denier français, qu’à peu près un soixante-sixième. Au moyen de ces opérations, les princes et les gouvernements qui y ont eu recours se sont, en apparence, mis en état de payer leurs dettes et de remplir leurs engagements avec une quantité d’argent moindre que celle qu’il en aurait fallu sans cela ; mais ce n’a été qu’en apparence, car leurs créanciers ont été, dans la réalité, frustrés d’une partie de ce qui leur était dû. Le même privilège se trouva accordé à tous les autres débiteurs dans l’État, et ceux-ci se trouvèrent en état de payer, avec la même somme nominale de cette monnaie nouvelle et dégradée, tout ce qui leur avait été prêté en ancienne monnaie. De telles opérations ont donc toujours été favorables aux débiteurs et ruineuses pour les créanciers, et elles ont quelquefois produit dans les fortunes des particuliers des révolutions plus funestes et plus générales que n’aurait pu faire une très-grande calamité publique[1].

C’est de cette manière que la monnaie est devenue chez tous les peuples civilisés l’instrument universel du commerce, et que les marchandises de toute espèce se vendent et s’achètent, ou bien s’échangent l’une contre l’autre, par son intervention.

Il s’agit maintenant d’examiner quelles sont les règles que les hommes observent naturellement, en échangeant les marchandises l’une contre l’autre, ou contre de l’argent. Ces règles déterminent ce qu’on peut appeler la valeur relative ou échangeable des marchandises.

Il faut observer que le mot valeur a deux significations différentes ; quelquefois il signifie l’utilité d’un objet particulier, et quelquefois il signifie la faculté que donne la possession de cet objet d’en acheter d’autres marchandises[2]. On peut appeler l’une, valeur en usage, et l’autre, valeur en échange. Des choses qui ont la plus grande valeur en usage n’ont souvent que peu ou point de valeur en échange ; et au contraire, celles qui ont la plus grande valeur en échange n’ont souvent que peu ou point de valeur en usage. Il n’y a rien de plus

  1. Mac Culloch renvoie le lecteur à l’article Monnaie (Money) de l’Encyclopédie britannique ; cet article contient un tableau des altérations pratiquées sur les coins d’Angleterre, de France et des autres pays.
  2. Il n’y a pas de sujet qui ait plus exercé les économistes et qui ait donné lieu à plus de dissertations que la définition de la valeur. La plupart des écrivains se sont égarés dans un dédale d’arguties métaphysiques sur le sens économique de ce mot. Nous ne citerons pas la longue nomenclature de ces monographies désormais inutiles. Il est reconnu aujourd’hui par tous les auteurs qui font autorité dans la science, que la distinction établie par Adam Smith a l’inappréciable avantage d’établir nettement le caractère particulier de la valeur en échange, la seule sur laquelle s’exercent les transactions, parce qu’elle est le produit du travail humain. A. B.