Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/97

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aussi complète des travaux. Il est impossible qu’il y ait entre l’ouvrage du nourrisseur de bestiaux et du fermier, une démarcation aussi bien établie qu’il y en a communément entre le métier du charpentier et celui du forgeron. Le tisserand et le fileur sont presque toujours deux personnes différentes ; mais le laboureur, le semeur et le moissonneur sont souvent une seule et même personne. Comme les temps propres à ces différents genres de travaux dépendent des différentes saisons de l’année, il est impossible qu’un homme puisse trouver constamment à s’employer à chacun d’eux. C’est peut-être l’impossibilité de faire une séparation aussi entière et aussi complète des différentes branches du travail appliqué à l’agriculture, qui est cause que, dans cet art, la puissance productive du travail ne fait pas des progrès aussi rapides que dans les manufactures. À la vérité, les peuples les plus opulents l’emportent en général sur leurs voisins, aussi bien en agriculture que dans les autres industries ; mais cependant leur supériorité se fait communément beaucoup plus sentir dans ces dernières. Leurs terres sont en général mieux cultivées, et y ayant consacré plus de travail et de dépense, ils en retirent un produit plus grand, eu égard à l’étendue et à la fertilité naturelle du sol. Mais la supériorité de ce produit n’excède guère la proportion de la supériorité de travail et de dépense. En agriculture, le travail du pays riche n’est pas toujours beaucoup plus productif que celui du pays pauvre, ou du moins cette différence n’est jamais aussi forte qu’elle l’est ordinairement dans les manufactures. Ainsi le blé d’un pays riche, à égal degré de bonté, ne sera pas toujours, au marché, à meilleur compte que celui d’un pays pauvre[1]. Le blé de Pologne, à bonté égale, est à aussi bon marché que celui de France, malgré la supériorité de ce dernier pays en opulence et en industrie. Le blé de France, dans les provinces à blé, est tout aussi bon et, la plupart des années, presque au même prix que le blé d’Angleterre, quoique peut-être la France soit inférieure à l’Angleterre du côté de l’opulence et de l’industrie[2].

  1. Cette grave question a été traitée d’une manière très-remarquable dans l’ouvrage de M. Ricardo : Principes de l’économie politique et de l’impôt, chapitre du fermage, tom. Ier, pages 57-94 de la traduction de Constancio, annotée par J. B. Say. La fameuse théorie du fermage de Ricardo est exposée tout entière dans ce chapitre. A. B.
  2. En opposant l’agriculture d’une nation riche à ses manufactures, le Dr. Smith méconnaît le principe qui règle le prix du blé. Sa conclusion ferait croire que, parce qu’il aura coûté moins cher d’apporter le blé au marché, ce blé sera vendu à plus bas prix. — Mais le prix de vente du blé n’est pas réglé par les frais de production ; et quoiqu’il pût être produit pour rien, il ne serait pas, pour cela, vendu à plus bas prix. C’est pourquoi ce qu’une riche nation épargne dans les dépenses de culture, ne sert pas à réduire le prix, mais à augmenter le revenu. Buch.