Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/98

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Toutefois les terres d’Angleterre sont mieux cultivées que celles de France, et celles-ci sont, à ce qu’on dit, beaucoup mieux cultivées que celles de Pologne. Mais quoique les pays pauvres, malgré l’infériorité de leur culture, puissent en quelque sorte rivaliser avec les pays riches pour la bonté et le bon marché du blé, cependant ils ne peuvent prétendre à la même concurrence en fait de manufactures, du moins si ces manufactures sont en rapport avec le sol, le climat et la situation du pays riche. Les soieries de France sont plus belles et à meilleur compte que celles d’Angleterre, parce que les manufactures de soie ne conviennent pas au climat d’Angleterre aussi bien qu’à celui de France[1], du moins sous le régime des forts droits dont on a chargé chez nous l’importation des soies écrues. Mais la quincaillerie d’Angleterre et ses gros lainages sont sans comparaison bien supérieurs à ceux de France, et beaucoup moins chers à qualité égale. En Pologne, dit-on, à peine y a-t-il des manufactures, si ce n’est quelques fabriques où se font les plus grossiers ustensiles de ménage, et dont aucun pays ne saurait se passer[2].

  1. Les événements ont donné un démenti à cette assertion d’Adam Smith. Depuis les réformes que M. Huskisson a fait subir au système restrictif de l’Angleterre, l’industrie des soieries a fait les plus grands progrès dans ce pays. L’Angleterre rivalise aujourd’hui avec la France dans la fabrication des tissus de soie unis. Voyez sur cette importante question les doctrines soutenues par M. Huskisson, dans la collection de ses œuvres intitulée : The speeches of the right honourable William Huskisson, tom. II, pages 465-530 ; ainsi que la grande enquête de 1852 publiée par le gouvernement anglais sous ce titre : Report from select committee on the silk trade, in-fol. de 1050 pages. A. B.
  2. L’opinion de l’auteur sur l’impossibilité de pousser la division du travail aussi loin dans l’agriculture que dans les manufactures ou le commerce, est indubitablement exacte ; mais cette circonstance n’est pas, comme Smith le suppose, la seule ou même la principale raison pour laquelle le prix du blé, dans les pays de haute agriculture, est généralement aussi élevé, et souvent beaucoup plus, que dans les pays qui sont comparativement mal cultivés et barbares. Si une supériorité agronomique, si une plus grande subdivision des instruments ruraux et une introduction plus vaste des machines dans les travaux des champs suffisaient pour déterminer le prix des produits bruts ou naturels, ce prix serait certainement plus bas en Angleterre qu’en Pologne ou en Russie. Mais il est évident que le prix du blé dans les différents pays ne dépend qu’en partie des systèmes de culture, et qu’il est en même temps sérieusement soumis à la différence de fertilité des terres cultivées. C’est ce fait que Smith a, par une étrange inadvertance, totalement négligé. La rareté de la population chez les nations peu civilisées, n’attire nécessairement la culture que sur les terres de la plus haute fertilité ; mais à mesure que la société avance et que la population s’accroît, il devient urgent de s’adresser à des terres moins fertiles. Dès lors, le produit de ces terres, par l’accroissement du capital et du travail que leur culture réclame, doit être relativement cher. Il a été établi, par quelques-uns des rapports sur l’état de l’agriculture en 1821, examiné par un comité de la chambre des communes, que le produit des terres livrées à la culture en Angleterre et dans le pays de Galles, évalué en froment, variait depuis trente-six et quarante boisseaux jusqu’à huit et neuf boisseaux par acre. L’alimentation nécessaire ne pourrait pas être acquise si l’on ne cultivait pas ces terres inférieures, et c’est cette nécessité de recourir aux terrains de moindre fertilité, qui devient la cause réelle de l’élévation relative du prix du blé et des autres produits naturels ou bruts dans les pays de grande population. Il serait superflu d’ajouter que ce prix y serait encore bien plus haut s’il ne trouvait pas un palliatif dans la supériorité des méthodes agronomiques et les progrès qui s’y opèrent chaque jour. Mac Culloch.