Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/136

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Ayant arraché les agrafes d’or des vêtements de Iokastè, il en creva ses yeux ouverts, disant que ceux-ci ne verraient plus les maux qu’il avait soufferts et les malheurs qu’il avait causés ; qu’engloutis désormais par les ténèbres, ils ne verraient plus ceux qu’il ne devait plus voir, et qu’ils ne reconnaîtraient plus ceux qu’il désirait voir. Et, en faisant ces imprécations, il frappait encore et encore ses yeux aux paupières levées ; et ses prunelles saignantes coulaient sur ses joues, et il ne s’en échappait point seulement quelques gouttes de sang, mais il en jaillissait comme une pluie noire, comme une grêle de sang. L’ancienne Félicité était ainsi nommée de son vrai nom ; mais, à partir de ce jour, rien ne manque de tous les maux qui ont un nom, les gémissements, le désastre, la mort, l’opprobre !

LE CHŒUR.

Et, maintenant, que fait le malheureux dans la trêve de son mal ?

LE MESSAGER.

Il crie que les portes soient ouvertes et qu’on montre à tous les Kadméiens le tueur de son père, et dont la mère… Paroles impies que je ne puis répéter. Il veut être chassé de cette terre ; il refuse de rester plus longtemps dans cette demeure, souillé des imprécations dont il s’est chargé. Mais il manque d’un appui et d’un conducteur, car la violence de sa douleur est très-grande, et il ne peut la supporter. Ceci te sera bientôt manifeste, car les battants des portes s’ouvrent et tu vas assister à un spectacle tel, qu’il exciterait la pitié d’un ennemi même.