Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/20

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le sais pas. La jeunesse grandit en sûreté et vit d’une vie tranquille ; ni l’ardeur du Dieu, ni la pluie, ni les vents ne la troublent ; mais elle accroît sa vie dans les délices, jusqu’à ce que la vierge devienne femme, et, dans l’espace d’une nuit, prenne sa part de nos peines. Elle saurait alors, connaissant son propre mal, à quels maux je suis en proie. À la vérité, je me suis déjà lamentée au sujet de nombreuses douleurs, mais il en est une plus amère que toutes et que je vais dire. Quand le roi Hèraklès quitta sa demeure, à son dernier départ, il y laissa d’anciennes tablettes sur lesquelles étaient écrites des paroles qu’il n’avait jamais eu, en son esprit, le soin de m’adresser auparavant ; car il avait coutume de partir, sûr d’accomplir son œuvre et certain de ne point mourir. Et maintenant, comme s’il ne vivait déjà plus, il a fait ma part des biens nuptiaux et marqué pour chacun de ses fils une portion de la terre paternelle. S’il reste absent quinze mois entiers depuis son départ de ce pays, il faut qu’on le tienne pour mort dans l’intervalle ; mais s’il échappe heureusement à ce terme, il vivra tranquillement désormais. Telle est la fin que les Dieux ont marquée aux travaux de Hèraklès, comme l’antique Hêtre Dodônien l’a déclaré autrefois par la voix des deux Colombes. Et voici que la vérité de ces choses va être prouvée par ce qui va arriver. C’est pourquoi, ô chères, tandis que je repose en un doux sommeil, je bondis, épouvantée, redoutant de survivre au plus grand des hommes.

LE CHŒUR.

Espère mieux maintenant. Je vois venir un homme orné d’une couronne comme un porteur de bonnes paroles.