Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/387

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meurs d’un bruit sinistre nous ont appris que, la nuit passée, te ruant dans la prairie où saillissent les chevaux, tu as égorgé les troupeaux des Danaens et tué par le fer luisant tout ce qui restait du butin de la lance. Odysseus répand de telles rumeurs, et il les murmure à l’oreille de tous, et il les persuade sans peine. Les choses qu’il dit de toi sont aisément crues, et quiconque l’entend insulte à tes misères et s’en réjouit plus encore que celui qui les révèle. Les injures qu’on lance aux grands hommes ne dévient pas facilement ; mais qui en dirait autant de moi ne persuaderait point, car l’envie court au puissant. Les humbles, cependant, sans les puissants, sont d’un faible appui pour la cité. L’humble prospère à l’aide des puissants, et l’homme puissant s’élève à l’aide des humbles. Mais on ne peut enseigner ces choses vraies à des insensés. Et, maintenant, tu es assailli par la clameur des hommes ; et, sans toi, nous ne pouvons nous y opposer, ô Roi, car, ayant fui de tes yeux, ils bavardent comme une bande d’oiseaux. Mais, si tu t’avançais, épouvantés par le grand vautour, ils garderaient aussitôt le silence et resteraient muets.

Strophe.

Est-ce donc la fille de Zeus, portée par des taureaux, Artémis, — ô nouvelle terrible ! — ô mère de ma honte ! — qui t’a poussé contre ces troupeaux de bœufs qui sont à tous, soit qu’elle ait été laissée sans récompense de quelque victoire ou de quelque chasse, soit qu’elle ait été frustrée d’illustres dépouilles ? Est-ce Arès, vêtu d’une cuirasse d’airain, qui, te reprochant l’aide de sa lance, a vengé son injure par ces embûches nocturnes ?