Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/471

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KLYTAIMNESTRA.

Non, pas inutilement. Comment aurais-tu parlé inutilement, si tu es venu, m’apportant des preuves certaines de la mort de celui qui, né de moi, fuyant mes mamelles qui l’ont nourri et mes soins, exilé, a mené une vie lointaine, qui ne m’a jamais vue depuis qu’il a quitté cette terre, et qui, m’accusant du meurtre de son père, me menaçait d’un châtiment horrible ? De sorte que, ni pendant la nuit, ni pendant le jour, je ne goûtais le doux sommeil, et que, quelque temps qui s’écoulât, je songeais toujours que j’allais mourir. Or, maintenant que je suis délivrée du péril et que je ne crains plus rien désormais de lui et de celle-ci, — car elle m’était une calamité plus amère, habitant avec moi et épuisant toujours le pur sang de mon âme, — nous mènerons une vie tranquille, du moins en ce qui concerne ses menaces.

ÉLEKTRA.

Hélas ! malheureuse ! C’est maintenant, Orestès, que je déplorerai ta destinée, puisque, même mort, tu es outragé par ta mère ! Tout n’est-il pas pour le mieux ?

KLYTAIMNESTRA.

Non, certes, pour toi, mais pour lui. Ce qui lui est arrivé est bien fait.

ÉLEKTRA.

Entends, Némésis vengeresse de celui qui est mort !

KLYTAIMNESTRA.

Elle a entendu ceux qu’il fallait qu’elle entendît, et elle a accompli leurs vœux.