Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/501

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jamais espérée, bien que je fusse désespérée, j’ai écouté, muette et malheureuse. Mais je te possède maintenant ; tu m’es apparu, ayant ton très cher visage que je n’ai jamais oublié, même accablée des plus grands malheurs.

ORESTÈS.

Assez de paroles superflues ! Ne m’apprends ni que ma mère est mauvaise, ni qu’Aigisthos, épuisant la demeure des richesses paternelles, les répand et les dissipe sans mesure ; car les paroles inutiles perdraient un temps propice. Renseigne-moi plutôt sur les choses présentes, dis en quel lieu nous devons apparaître, ou rester cachés, afin que nous réprimions par notre arrivée nos ennemis insolents. Et prends garde, étant entrée dans la demeure, de te trahir, par ton visage joyeux, devant ta mère cruelle ; mais gémis du faux malheur qui t’a été annoncé. Quand la chose sera heureusement terminée, alors il sera permis de rire et de se réjouir librement.

ÉLEKTRA.

Ô frère, tout ce qui te plaira me plaira également, car je reçois de toi et non de moi-même le bonheur dont je jouis ; et je n’oserais t’être importune, même à mon plus grand avantage, car je servirais mal ainsi le Daimôn qui nous est maintenant propice. Tu sais les choses qui se font ici ; pourquoi non, en effet ? Tu as appris qu’Aigisthos est absent de la demeure et que ma mère s’y trouve ; mais ne crains pas qu’elle me voie jamais un visage joyeux, car une vieille haine est immuable en moi, et, après t’avoir vu, je ne cesserai jamais de répandre des larmes de joie. Et comment cesserai-je de pleurer, moi qui, en un même moment, t’ai vu mort et vivant ? Tu